Te Matatini Kapa Haka festival

Avant de quitter l’île du nord nous avons fait un petit détour à Hastings, sur la côte est, pour assister au Te Matatini Kapa Haka festival.

Lors de notre visite du Waitangi Treaty Ground en janvier, nous avions assisté à ce qu’ils appellent une expérience culturelle. C’était une sorte de résumé condensé des traditions maories. Nous avions été invité à entrer dans le marae selon les coutumes traditionnelles maories et nous avions assisté à une démonstration de danse et de chants, le tout agrémenté de tout un tas d’explications et de traductions. Nous avions beaucoup aimé l’expérience, même s’il était évident que c’était juste une attraction touristique.

Et bien le Te Matatini Kapa Haka Festival c’est tout l’inverse de cette première expérience culturelle. Il s’agit de l’événement maori le plus important de Nouvelle-Zélande. Pour certains locaux, aller voir le Te Matatini c’est aussi emblématique que d’aller voir une représentation à l’Opéra de Sydney pendant un séjour en Australie. ^^

Le festival est en fait un concours national de chants et de danses traditionnels maoris. Il n’a lieu que tous les deux ans, et est organisé à chaque fois dans une ville différente. Pendant quatre jours les meilleures troupes du pays se succèdent sur scène, sous l’œil attentif des juges, pour tenter de remporter le titre et faire la fierté de leur clan. Et puis, comme dans tout festival, il y a un village provisoire qui est monté, avec toutes sortes de stands : des snacks, des vêtements, des bijoux, des sculptures… dans la grande majorité tenus par des maoris.

Et alors on vous assure que pas une seconde nous ne nous sommes sentis au milieu d’une attraction touristique. Il faut dire que nous n’étions presque entourés que de maoris. D’ailleurs nous devions sûrement être les seuls français parmi les 10 000 personnes présentes (c’est important de le souligner parce que des français depuis janvier nous en croisons plein tous les jours). Nous avons compris après que c’est parce qu’il n’y a absolument aucune communication au sujet du festival à destination des touristes. Même si vous allez par hasard à l’office du tourisme de la ville qui organise le festival, pendant le week-end où il a lieu, et que vous demandez ce qu’il y a d’intéressant à faire en ce moment, personne ne va vous parler du Te Matatini.

Bon comme le festival est un évènement maori, les présentateurs sur scène ne parlent que maori. Nous n’avons donc pas compris grand chose à ce qui se disait mais nous avons quand même saisi l’essentiel.

Les 3 premiers jours, les troupes passent des qualifications pour accéder à la finale qui a lieu le dimanche. Nous y étions le samedi, donc pendant la phase de qualifications.

Les troupes se succèdent toute la journée sur la grande « scène-marae » et font chacune une démonstration d’une bonne vingtaine de minutes. Il y a d’ailleurs quelque chose d’assez marrant à ce propos. On peut circuler comme on veut dans toute l’enceinte du festival et passer de la scène au village de stands autant que l’on veut. Il y a quelques gradins, mais la majorité des spectateurs s’installent à même le sol (ou sur des chaises basses) sur une grande surface devant la scène (l’équivalent de la fosse dans un concert). La plupart viennent en famille avec nappes, glacières et poussettes, ce qui donne un joyeux bordel organisé. Entre les passages des groupes les gens entrent et sortent de la zone de la scène, vont dire bonjour à leurs amis qu’ils ont aperçu un peu plus loin, vont chercher une glace… Par contre, quand un groupe passe, alors là plus question de rigoler : les portes d’accès à la zone de la scène sont fermées, tout le monde s’assied par terre pour ne pas gêner, et plus personne ne circule dans les allées. Tout ça est régi par des règles implicites mais connues de tous (sauf de nous ^^ mais c’est pas très difficile à comprendre) et respectées par tout le monde.

Chaque démonstration commence par la présentation des leaders masculin et féminin (Kaitātaki Tane et Kaitātaki Wahine). C’est plus où moins les solistes et/ou chefs de la troupe. Ensuite, chaque équipe enchaîne dans le même ordre plusieurs tableaux imposés qui ont chacun leurs règles et leur style particuliers :

– Whakaeke, l’introduction

– Mōteatea, le chant traditionnel : certains groupes chantent rassemblés à la manière d’une chorale, d’autres dansent en même temps. Le plus important ici c’est les paroles, la maîtrise du langage maori, et bien sûr l’originalité de la création.

– Waiata-ā-ringa, le « chant actif » : plus rythmé que le Mōteatea, c’est le moment où les danseurs à l’allure de durs guerriers maoris tatoués sortent leur guitare. Hommes et femmes dansent ensemble sur une chanson plutôt joyeuse et très mélodieuse. Là aussi la démonstration ressemble beaucoup à une chorale même si là la chorégraphie est plus élaborée. Et puis c’est un moment assez drôle même si ce n’est pas forcément l’effet recherché : voir les féroces guerriers maoris tatoués jouer de la guitare et sautiller avec un sourire exagéré (non, nous n’avons pas dis niais) ça écorne sérieusement le mythe de la brute épaisse.

– Poi, une danse exclusivement féminine : c’est le moment où les danseuses sortent leurs poi, des sortes de petites balles blanches attachées à un fil. Les danseuses tiennent un fil dans chaque main et font tournoyer et s’entrechoquer ces balles entre elles et contre leur dos. Les hommes, eux, les accompagnent au chant mais restent en arrière. L’espace d’une danse, les poi qui marquent le rythme semblent être le prolongement naturel des bras des danseuses. C’est un moment plein de poésie et de grâce.

– Haka, la danse guerrière des hommes : pas besoin de beaucoup d’explications concernant le haka, surtout si vous avez déjà vu un match des All Blacks. Le leader tourne autour des guerriers en criant et brandissant une arme (un Taiaha, un potu, un mere pounamou ou un wahaika – les armes traditionnelles maories). Les hommes répondent à son appel tout en dansant en rythme. A l’origine, il s’agit d’une danse pendant laquelle les guerriers font appel aux forces de la nature avant un combat, et ça se voit. Les postures et les expressions faciales se font très dures voir parfois effrayantes. (Et encore plus quand on est dans les premiers rangs, juste en face d’eux). Les hommes n’ont alors plus rien à voir avec ce qu’ils étaient quelques minutes auparavant quand ils dansaient en jouant de la guitare. Ce sont de vrais guerriers prêts au combat qui vous font face…

– Whakawātea, le final : alors là c’est un peu l’apothéose. Et comme il vient juste après le haka il vient aussi apaiser et détendre l’atmosphère. La musique et les chants redeviennent festifs et joyeux même si certaines troupes ont choisi d’y intégrer des postures guerrières. Parfois, après tout cela, la troupe enchaine avec un haka final ou une dernière danse que nous avons interprété comme un salut au public, mais nous pouvons nous tromper.

Pour chaque tableau, il y a certainement des figures imposées par les règles du concours mais malgré nos recherches nous ne savons pas lesquelles. Par contre ce qui est sûr c’est que chaque présentation est une création originale de la chorégraphie aux paroles en passant par les costumes (notez d’ailleurs que tous les danseurs ne sont pas maoris et d’ailleurs même les vrais maoris portent des faux tatouages qui font partie intégrante du costume). Chaque élément du spectacle fait l’objet d’une notation propre. En plus du prix récompensant la meilleure prestation globale, il y a donc un classement pour chaque tableau, pour la maîtrise de la langue maorie, pour le meilleur leader homme et femme… Bref c’est un peu les oscars maoris de la danse et du chant traditionnels.

Durant toute la journée les groupes ont réalisé des prestations toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Autant vous dire que nous avons fait le plein de culture maorie. Comme la Maori TV a l’exclusivité des droits à l’image concernant le passage des groupes, les photos sont interdites pendant les représentations. Pas de photos des groupes donc, mais nous vous donnons quelques liens intéressants à la fin de l’article… Par contre nous pouvons vous montrer des superbes photos de nous pendant le festival.

Eh oui, ça y est nous nous sommes lancés nous nous sommes enfin fait tatouer le visage. Ça nous va bien hein ?

Bon pas de panique ce n’est que du maquillage et nous n’avons offensé aucun maori en les portant, au contraire. Ils avaient l’air de trouver ça assez amusant de nous voir les porter (et on vous assure qu’il y avait d’autres adultes qui en portaient).

Évidemment pour midi nous avons testé un plat traditionnel maori : le hangi. Il s’agit d’un plat cuit directement dans un trou à même le sol, rempli de braises. Les aliments sont placés sur ces braises et le tout est recouvert et cuit plusieurs heures. Au final ça ressemblait beaucoup au baeckoffa (la potée alsacienne) mais avec des patates douces, du chou et du poulet en plus.

Nous avons aussi testé le fried bread. Ça doit être la chose la moins diététique au monde : une petite boule de pain frit dans lequel ils ajoutent du beurre (évidemment sinon ce n’est pas assez gras) et/ou une préparation à base d’oursins. Ce n’est pas très léger mais c’est plutôt bon.

Et puis nous avons flâné entre les stands des marchands présents sur place. Nous avons pu trouver un condensé de l’art maori : des colliers en os ou en jade, des feuilles de palmes tressées en forme de fleurs, du bois sculpté, des bijoux en abalone… Nous avons un peu hésité à essayer un de leurs longs manteau en plumes mais il faisait vraiment trop chaud pour ça.

A la fin de la journée nous avons réussi a nous glisser au plus près de la scène. Nous nous sommes alors retrouvés face aux danseurs et nous nous sommes immergés totalement dans le spectacle. L’expérience restera un de nos plus beaux souvenirs. A ce moment nous nous sommes sentis comme deux maoris au milieu des maoris, partageant avec eux un évènement majeur de leur communauté. Et puis, il est difficile d’avoir l’impression de juste assister à une attraction touristique quand, à la fin de la performance d’un groupe, ses supporters dans le public se lèvent tout autour de nous pour un haka de remerciement et de félicitations.

Pour vous faire une petite idée de ce qu’est le Te Matatini Kapa Haka Festival, voici la vidéo officielle de la prestation finale de la troupe qui a remporté le concours :

http://www.maoritelevision.com/haka/te-matatini/groups/te-kapa-haka-o-whangara-mai-tawhiti/151074

Et, pour ceux qui ne sont pas lassés, il y a plein d’autres vidéos sur le site officiel de Maori TV (nous on a adoré Te Waka Huia, qui ont fini 2èmes) :

https://www.maoritelevision.com/haka/te-matatini/groups

9 commentaires sur “Te Matatini Kapa Haka festival

    1. On est beaux hein ?! Et ça fait même pas mal en plus.

    2. Suis d’accord trop la classe. Dommage que ce ne soit que du maquillage. Vous auriez eu bcp de succès en France à votre retour

  1. Ca rappelle un peu le « Heiva » polynésien, en tout cas quels moments inoubliables! Merci de nous les faire partager si bien.

    1. C’est un peu le même principe oui, sauf que c’est des danses maories.

  2. On voit que vous souffriez du chaud… les pauvres.
    Ah, et sinon on veut une choré Haka à votre retour, hein. Qu’on filmera bien sûr.

    1. Arrête c’était trop dur. S’assoir et les regarder danser un calvaire ^^. Non mais sans rire, c’était dur : le festival était « Liquor Ban Area », tu détesterais. Ici ils ont plein de zones où s’ils te voient juste sortir une canette de bière tu te prends une amende.
      Pour le Haka…. on a encore besoin de quelques heures/années d’entrainement avant.

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